C’était
des gamins normaux de Clichy-sous-Bois.
Une
zone urbaine « sensible ». Un
taux de chômage 2 à 3 fois plus élevé que dans le reste du pays.
Un
coup de fil au commissariat parce qu’on a vu « un groupe de plusieurs
jeunes » s’introduire sur un chantier. On se doute qu’ils vont y faire « quelque
chose de louche ». Des jeunes en
bande. Noirs et Arabes.
En
fait, ces jeunes n’ont fait que passer devant ce chantier en revenant d’un
match de foot.
A
l’arrivée de la police, les jeunes détalent. C’est un réflexe. Mais pourquoi fuir devant la police, s’ils n’ont
rien fait ? Ils courent
parce qu’ils voient les autres courir, parce qu’ils n’ont pas leurs papiers, qu’ils ne veulent pas finir la nuit au poste
et subir les engueulades de leurs
parents. Des décennies de mauvais rapports
entre la police et ces jeunes. Ils
courent. C’est la panique au point de se
réfugier dans un endroit où ils risquent leur vie.
Communication
entre policiers : « Les deux individus sont localisés et sont en train
d’enjamber pour aller sur le site EDF. »
Puis, plus rien. La police quitte les lieux.
Puis, plus rien. La police quitte les lieux.
La
ville entière est plongée dans le noir pendant 24 secondes. Au moment où le transformateur a disjoncté et
a tué sur le coup Zyed et Bouna.
10
ans plus tard. Le tribunal relaxe les deux policiers poursuivis pour
non-assistance à personne en danger. Pour le juge, ils n'ont jamais "eu
conscience de l'existence d'un péril grave et imminent".
Il
y a des questions qui ne seront jamais posées. «
Pourquoi des jeunes de quartier populaire, à la vue de la police et alors
qu'ils n'avaient manifestement rien à se reprocher, ont préféré prendre la
fuite et se réfugier dans un endroit où ils risquaient leur vie ? », s'interroge
SOS Racisme.
« Manifestement, notre pays a une grande
capacité à s'émouvoir pour ce qui se passe à Ferguson, aux Etats-Unis, et
identifie avec une déconcertante facilité les mécanismes du racisme et du
contrôle sécuritaire des territoires où vivent des Afro-Américains. Par contre,
cette lucidité s'envole comme par magie lorsqu'il s'agit de regarder notre
société en face et d'en analyser les dysfonctionnements. »