vendredi 5 septembre 2014

Nouveau racisme ?


JE M'EN BEURRE LE CUL de ce glossaire de psychologie sociale utilisé par l'Université Libre de Bruxelles !! Et particulièrement cette définition ubuesque du racisme, m'a répondu l'administrateur du Groupe de Réflexion des Athées, Agnostiques et Libres Penseurs sur Facebook.
Qu'avais-je donc osé écrire pour le faire sortir de ses gonds ?  Simplement alors qu'il me reprochait de confondre stéréotype, discrimination et racisme, j'avais cité les définitions de ce glossaire(1) et particulièrement la définition qui le heurtait, sur le racisme moderne :
Racisme subtil qui s’exprime indirectement et se fonde sur des raisons socialement acceptables.
La définition, il est vrai, est criticable, car tellement floue qu'elle permettrait d'accuser n'importe qui de racisme.   Remarquons cependant que le racisme s'est toujours fondé sur des raisons socialement acceptables.  Il était socialement acceptable d'écrire en 1877, dans Le tour de la France par deux enfants : (2) "La race blanche, la plus parfaite des races humaines, habite surtout l'Europe, l'ouest, de l'Asie, le nord de l'Afrique et l'Amérique."
La première question à se poser concerne l'existence de ce racisme contemporain, que certains ont nommé néo-racisme, ou ethno-différentialisme. (3)


Y a-t-il un nouveau racisme ?
La notion de race est liée à la définition du racisme.  Or, la race n'a pas toujours été considérée comme un concept biologique. Une des formes les plus anciennes du racisme est bien l'antisémitisme.  Mais si celui-ci a pris une forme raciale avec les nazis, le terme d'antisémitisme est aussi utilisé  pour qualifier les actes anti-juifs qui ont eu lieu au cours de l'histoire bien avant que les travaux scientifiques ne tentent une classification biologique des être humains.
Si la première définition donnée par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales du racisme (4) n'est plus vraiment actuelle :
Ensemble de théories et de croyances qui établissent une hiérarchie entre les races, entre les ethnies,
on s'accordera généralement sur la seconde :
Attitude d'hostilité pouvant aller jusqu'à la violence, et de mépris envers des individus appartenant à une race, à une ethnie différente généralement ressentie comme inférieure.
Ainsi, le terme de race utilisé dans la définition du racisme et  dont la pertinence est remise en cause par la communauté scientifique (5)  pourra être remplacé par le terme d'ethnie :
Groupe d'êtres humains qui possède, en plus ou moins grande part, un héritage socio-culturel commun, en particulier la langue (4)
Or,  aujourd’hui,  8 % de la population considèrent qu’il existe des races supérieures aux autres mais 27 % des personnes interrogées se reconnaissent  « plutôt », ou « un peu » raciste (6).  Ainsi, ces personnes se considérant comme plutôt, ou un peu racistes ne pensent pas nécessairement qu'il y a une hiérarchie des races ou des ethnies.
La définition du racisme ne peut ignorer le contexte historique ou géographique.  Le colonialisme européen pouvait se justifier par une théorie établissant une hiérarchie entre races, et  plus récemment, le projet génocidaire du nazisme s'appuyait sur l'utopie de préservation de la pureté de la race.  Ce qu'on appelle le racisme nouveau ou le néo racisme ne cible plus les races au sens biologique, mais les communautés culturelles.  L'enjeu n'est plus de fonder la supériorité d'un groupe ethnique, mais plutôt de préserver l'indentité d'une culture face à d'autres considérées comme menaçantes.(7)
De fait, le racisme dans nos sociétés européennes actuelles se focalise sur les "immigrés".  Or, les immigrés ne constituent pas une "race", ni même une seule ethnie.  Les attitudes actuelles d'hostilité envers les immigrés ne se basent pas sur une thèse d'inégalité ou d'infériorité, mais plutôt sur la thèse de l'incompatibilité de leur culture avec la nôtre.  On ne recourt plus à la biologie pour inférioriser, mais on se base sur l'origine ethnique et culturelle pour discriminer des personnes appartenant à une communauté jugée inassimilable et considérée comme dangereuse pour le reste de la société.   C'est sur le mythe du choc des civilisations, de l'islamisation de notre société et de l'invasion démographique par la natalité et le regroupement familial que se focalise le nouveau racisme.  Ces mythes qu'il nous faudra démonter, si nous voulons définir quels sont les véritables enjeux dans notre société.
La seconde question que soulève cette définition concerne la forme que prend ce nouveau racisme.  Ce racisme se manifesterait de façon indirecte et se fonderait sur des raisons socialement acceptables.

Quelles raisons acceptables ?
Le racisme peut se nicher dans toutes sortes de combats menés par des militants dans notre société.  Ainsi, les associations pour le bien-être animal qui militent contre l'abattage sans étourdissement sont sensibles au risque de noyautage par des militants ou des groupuscules plus xénophobes que sensibilisés à la cause animale. (8)  Marine Le Pen avait aussi utilisé le prétexte de la souffrance animale dans le but d'interdire la viande halal.  Or, ce n'est pas l'abattage rituel en lui-même qui pose question, mais le fait qu'il soit obtenu sans étourdissement.  Une partie de la viande halal consommée en Arabie Saoudite provient d'Australie et de Nouvelle-Zélande, pays qui pratiquent l'abattage industriel avec étourdissement.
Le féminisme et la laïcité sont aussi d'excellentes raisons pour justifier une hostilité envers les personnes appartenant à une communauté que l'on estime non assimilable dans notre société.  C'est la lecture de tels discours à l'antipode du féminisme et de la défense de la laïcité qui m'a convaincue de commencer à m'exprimer à travers ce blog.
 En conclusion.
On retrouve dans le racisme contemporain 4 caractéristiques identifiées par Pierre-André Taguieff. (9)
-  Ce n'est plus tant l'appartenance à une race qu'à une ethnie ou une culture qui est visée.
- L'accent n'est plus mis sur l'inégalité mais sur la différence (sous-entendue non assimilable)
- Ce sont les différences qui sont pointées, plutôt que ce qui rassemble.
- L'expression du racisme ne se fait plus ouvertement.
Cette nouvelle forme que prend le racisme, plus subtile, plus difficilement repérable est d'autant plus violente.  Elle nie la réalité du vécu  et du ressenti des personnes victimes d'attitudes hostiles et de discrimination et elle les enferme dans des catégories stéréotypées.   Démontrer l'inanité au point de vue biologique du concept de race ne suffit plus.  Il faut encore convaincre que les valeurs d'égalité homme-femme, du respect des droits de l'homme et de la laïcité ne sont pas mises en danger par le bout d'un foulard aperçu en rue !



  1. On peut trouver ce glossaire ici.  
  2. Réflexion sur un manuel scolaire à succès : Le tour de la France par deux enfants.
  3. Voir la définition de wikipédia.
  4. Définitions du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.
  5. Albert Jacquard a publié de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique et notamment de génétique réfutant la pertinence du concept de race chez l'être humain.
  6. Sondage issu du rapport 2011 de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).
  7. Abattage rituel : comment en parler sans se faire traiter de facho, Florence Pinaud, 14/10/2013, Le Nouvel Observateur-Rue 89
  8. Pierre-André Taguieff est sociologue et politologue français, directeur de recherches au CNRS.  Il se situe à droite, et fait l'objet de controverses médiatisées, certains le considère comme proche de l'extrême-droite.  Je ne l'ai pas lu, je ne me positionnerai pas sur ce point.  Cependant, sa définition du racisme me paraïte pertinente.




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